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La surveillance de la résistance aux produits phytosanitaires à travers le monde

Des scientifiques de l’Anses et d’INRAE ont analysé les systèmes de surveillance des résistances aux produits phytosanitaires dans le monde. Il ressort de leur étude que dans un même pays, plusieurs types d’acteurs, privés ou publics, mènent souvent des travaux en parallèle sur le sujet. Leurs approches sont complémentaires et les dispositifs de surveillance gagneraient en efficacité avec plus de coopération.

La lutte contre les maladies et ravageurs des cultures repose sur différents moyens, dont l’utilisation de produits phytosanitaires. Cependant, dans certaines conditions d’utilisation, des insectes, champignons ou plantes indésirables peuvent devenir résistants à ces produits. La sélection de résistances entraine une diminution d’efficacité d’un produit phytosanitaire et une utilisation en plus grande quantité, avant de le rendre complètement inutilisable. Les substances actives de synthèse comme celles d’origine naturelle et utilisant des microorganismes sont concernées. La surveillance du développement de résistances est donc primordiale afin de limiter l’utilisation des produits phytosanitaires au minimum en prévenant toute utilisation devenue inefficace.  Cette surveillance s’inscrit dans la stratégie de gestion de la lutte contre les bioagresseurs des végétaux dans le contexte d’une utilisation des produits phytosanitaires compatible avec le développement durable Cette surveillance n’est pas assurée de la même façon dans tous les pays. Des scientifiques d’INRAE et de l’Anses, réunis au sein du réseau de réflexion et de recherches sur les résistances aux pesticides (R4P), ont mené une vaste étude pour comparer les systèmes de surveillance des résistances à travers le monde et viennent de publier leurs résultats dans la revue Pest management science.

Des disparités entre pays

Au total, 162 experts de 48 pays ont répondu à l’enquête. L’Europe et l’Amérique du Nord ont fourni une part importante des contributions, des experts d’Amérique du Sud, d’Asie, d’Océanie et d’Afrique ont également participé. Trois types d’acteurs menant des travaux sur l’évolution des résistances aux produits phytosanitaires ont été identifiés. Une première catégorie inclut les organismes privés, comprenant les producteurs de produits phytosanitaires et les entreprises de conseil agricole. La seconde catégorie regroupe les acteurs académiques c’est-à-dire les universités et les instituts de recherche. La troisième catégorie rassemble les acteurs gouvernementaux. Le premier constat est que plus l’indice de développement humain (IDH) d’un pays est élevé, plus la surveillance de la résistance implique différents types d’acteurs. Ainsi, les trois catégories d’acteurs sont représentées dans 83% des pays ayant un fort indice de développement (supérieur à 0,9) et seulement dans 17% des pays avec un indice faible (inférieur à 0,8). Les acteurs gouvernementaux sont plus fréquemment impliqués dans la surveillance des résistances aux produits phytosanitaires dans les pays avec un IDH élevé. 

Des objectifs différents mais complémentaires

Les enjeux de la surveillance des résistances divergent selon les acteurs, de même que le type de données récoltées : 

  • les entreprises privées ont pour objectif de vérifier l’efficacité de leurs produits. Elles ont aussi parfois des obligations réglementaires, comme en France, où les autorisations de mise sur le marché de produits avec un risque de développement de résistance peuvent s’accompagner d’une demande de surveillance et d’une obligation des fabricants de déclarer les résultats de leurs suivis aux autorités en cas d’évolution de la situation. Les travaux conduits par les acteurs privés couvrent donc une large gamme de produits, de cultures et de bio-agresseurs, mais toutes les données ne sont pas rendues publiques ; 
  • les études menées par les acteurs académiques sont faites dans le cadre de projets de recherche. Ceux-ci concernent souvent une problématique bien précise, sur une durée de quelques années. Si le champ d’étude est restreint, le niveau de détail peut en revanche être important ;
  • enfin, les suivis menés par les acteurs gouvernementaux sont le plus souvent annuels et leurs résultats sont systématiquement publics. Ils permettent donc une surveillance sur le long terme, mais celle-ci concerne essentiellement les situations les plus à risque d’émergence et d’évolution des résistances. 

La coexistence de ces systèmes de surveillance au sein d’un même pays permet ainsi d’avoir un aperçu plus précis de la situation. Les auteurs de l’étude soulignent que la surveillance des résistances aux produits phytosanitaires gagnerait en efficacité si ces acteurs collaboraient davantage, pour unir leurs capacités de collecte, d’analyse et de diffusion des données.

Un cas particulier, le système de surveillance français

En France, les trois types d’acteurs, privés, académiques et gouvernementaux, œuvrent à la surveillance des résistances aux produits phytosanitaires. L’enquête internationale a souligné la singularité du système français, qui dispose d’un plan de surveillance national annuel, financé dans le cadre du plan Ecophyto, piloté par le ministère de l’Agriculture, et auquel participent l’Anses et INRAE. Chaque année, une quarantaine de thématiques (qui correspondent à des triplets culture-bioagresseur-substance active) sont inscrites au plan de surveillance. Aucun système comparable n’existe dans les autres pays couverts par cette analyse. Le plan de surveillance français contribue au dispositif de phytopharmacovigilance, qui a pour objectif la surveillance des effets indésirables des produits phytosanitaires, dont l’apparition de résistances. Ce dispositif collecte les données des organismes de surveillance existants, ainsi que les signalements par les professionnels notamment les fabricants et les utilisateurs des produits phytosanitaires. Enfin, il finance des recherches pour mieux comprendre ces effets indésirables et améliorer leur détection.