Maladie de Parkinson : la drosophile comme modèle pour étudier les effets des pesticides
La mouche Drosophila melanogaster peut être utilisée pour évaluer le risque qu’un pesticide induise la maladie de Parkinson. Telle est la conclusion des scientifiques de l’unité Maladies neuro-dégénératives du laboratoire Anses de Lyon, qui ont travaillé en collaboration avec des chercheurs de l’École normale supérieure de Lyon. Par ailleurs, ce travail sur le paraquat a révélé que les effets du produit au niveau des protéines n’étaient pas tout à fait comparables à ceux du vieillissement. Interview de Jean-Noël Arsac, un des auteurs de l’étude.
Pourquoi avoir étudié l’effet du paraquat sur le développement de la maladie de Parkinson chez la drosophile ?
Le paraquat est un herbicide dont on sait que l’exposition contribue à augmenter le risque de développer la maladie de Parkinson. Son utilisation est interdite depuis 2007 dans l’Union européenne. Le but de cette étude était de regarder quels étaient les effets du paraquat sur deux modèles de drosophiles modifiées génétiquement pour exprimer des formes différentes d’α-synucléine humaine. L’accumulation et l’agrégation de l’α-synucléine dans le cerveau sont en effet des marqueurs de la progression de la maladie de Parkinson. C’est une maladie principalement liée à l’âge, mais des facteurs environnementaux sont également suspectés dans son développement. Nous voulions savoir si le paraquat entraînait par lui-même des modifications de la protéine α-synucléine chez ces drosophiles transgéniques. Si c’était le cas, cela permettrait d’avoir des modèles supplémentaires pour évaluer les liens possibles entre les contaminants environnementaux et la maladie de Parkinson.
Comment s’est déroulée l’étude ?
L’étude a été menée sur des drosophiles transgéniques, porteuses soit du gène normal de l’α-synucléine humaine, soit d’un gène muté (A53T), lié à des cas génétiques de maladie de Parkinson. Ces cas débutent en moyenne vers 45 ans et leur progression est rapide et souvent associée à une démence. Les deux lignées de mouches sont habituellement utilisées pour étudier les mécanismes moléculaires et cellulaires qui sont liés à la maladie de Parkinson. Nous avons exposé les insectes à l’herbicide, à une faible concentration et sur un temps long, correspondant à la durée nécessaire pour que la moitié des drosophiles meure.
Quels sont vos résultats ?
Tout d’abord, nous avons confirmé que les drosophiles transgéniques étaient plus sensibles au paraquat : les drosophiles porteuses du gène normal de l’ α-synucléine humaine avaient une durée de vie réduite par rapport aux drosophiles non transgéniques et cette durée était encore plus courte pour les drosophiles porteuses de la mutation A53T. Ensuite, nous avons montré que l’herbicide entraînait une accumulation d’α-synucléines toxiques et de forme anomale. Ces anomalies sont les mêmes que celles observées lors du vieillissement de ces insectes et sont comparables aux effets de la maladie de Parkinson chez l’être humain. Cependant, un autre marqueur de la maladie de Parkinson, également observé lors du vieillissement des insectes, n’est pas présent sous l’effet du paraquat : il s’agit de la forte agrégation des protéines α-synucléines entre elles.
Comment s’explique cette différence d’effets ?
La différence d’effets amène à s’interroger sur leur cause. Dans le cas de l’exposition au paraquat, l’accumulation de protéines non hautement agrégées pourrait rappeler les stades précoces de la maladie de Parkinson. Il est donc possible qu’avec les drosophiles exposées au paraquat nous observions le début du processus d’accumulation des formes toxiques d’α-synucléine. Toutefois, il est également possible que le mécanisme de dérèglement induit par l’herbicide ne soit pas le même que celui qui est observé lors du vieillissement. Dans cette hypothèse, l’exposition au paraquat ne provoquerait pas une simple accélération de la maladie mais elle serait à l’origine d’un autre processus d’accumulation des formes toxiques d’α-synucléine. Pour répondre à la question il serait nécessaire de réaliser des études plus approfondies, en particulier d’étudier les mécanismes cellulaires mis en jeu.
Quelles sont vos conclusions ?
Nous avons montré que la drosophile était un modèle intéressant, qui pourra être utilisé pour évaluer l’effet de contaminants environnementaux autre que le paraquat. La drosophile offre un modèle intermédiaire entre la culture de cellules et les rongeurs. C’est un animal simple à appréhender du fait de sa vie courte, tout en possédant un système nerveux complexe. Les expérimentations avec ces insectes portent moins d’enjeu éthique que les travaux réalisés chez le rat ou la souris dans le cadre des évaluations réglementaires des substances et des produits phytosanitaires.